Leurs dix mois de combat ont été payants. Depuis le 21 juillet 2011, jour de la liquidation de l’entreprise Véninov, les salariés n’ont jamais lâché. Une trentaine de personnes ont occupé le site pour éviter que les machines ne partent.
140 ans d’histoire
Créée en 1874, sous le nom des Établissements Maréchal, la société s’est successivement appelée Vénilia, puis Véninov. Leader européen de la toile plastifiée, elle a mis au point la toile cirée à l’huile de lin, les premières feuilles PVC calandrées et l’adhésif. L’entreprise qui à son apogée employait 1300 personnes, a connu deux plans sociaux en 2001 et 2004.
Rachetée en mai 2009 par la holding allemande Eilich, elle a été fusionnée avec l’entreprise Alkor. L’ensemble comptait avant sa liquidation 554 salariés et trois usines : Véninov à Vénissieux (toile cirée), H.A. Intériors à Cramington en Angleterre (stickers) et Boekelo Folien à Boekelo en Hollande (adhésifs).
Véninov en chute libre
Or, les affaires allaient de mal en pis. Pour faire face à un manque de trésorerie, le groupe a contracté fin décembre 2010 un prêt de 9,7 millions d’euros auprès du fonds de pension américain Gordon Brothers. Celui-ci a demandé de nombreuses garanties, dont le site vénissian avec ses bâtiments et machines.
A la liquidation d’Alkor-Vénilia, Gordon Brothers réclame son dû. Une revendication qui fait bondir les salariés qui voient alors tout espoir de reprise de leur société s’envoler. Ils ne sont pas les seuls. Le préfet du Rhône, fortement investi dans le dossier, qualifie le prêt de « léonin », accordé dans des conditions « mafieuses ». La résistance des salariés s’organise, les tables rondes à la préfecture se succèdent. « C’était une chance pour nous de nous trouver à Vénissieux », note Bernard Dhennin, délégué CFDT. « Ailleurs des usines ferment parfois dans l’indifférence générale. »
Pas à Vénissieux où la maire de la ville Michèle Picard et le député André Gerin prennent le dossier à bras le corps. Et savourent aujourd’hui leur succès. « C’est une victoire pour les petites gens. Elle en appelle d’autres », se réjouit le député. « Un truc de fou ! »
Sauvés !
Le 4 mai, le tribunal de commerce de Nanterre accepte l’offre de reprise et salue « un véritable projet d’entreprise » présenté par le repreneur autrichien, « impliquant sur le dernier semestre 2012 et les trois années suivantes un investissement de plus de 20,4 millions d’euros ». Sans toutefois trancher la question de la propriété des lieux. Les 2 millions d’euros versés par Windhager Garden restent ainsi la propriété du liquidateur, « jusqu’au dénouement du litige » entre Gordon Brothers et l’État.
« On a réussi à faire plier un fonds de pension ! », s’écrie le délégué CGT Stéphane Navarro. Reste à savoir qui sera réintégré et qui restera sur le carreau. Du moins dans un premier temps, car le nouveau propriétaire vise un effectif de 80 personnes à fin 2015. Pour Stéphane Navarro, la prime devrait revenir aux « 20 à 30 ex-Véninov qui se sont battus et n’ont pas lâché depuis la liquidation judiciaire en juillet dernier ». « C’est encore trop tôt pour le dire », rétorque son collègue de la CFDT.
En attendant, une bâche noire accrochée dans l’usine, rappelle les jours difficiles que les salariés viennent de traverser. « Véninov vivra. On ne lâchera pas », peut-on y lire.