Lyon, fin des années 50. Le Vieux-Lyon est un quartier « qui craint », raconte Véronique Nether. Ses façades sont noires, ses rues sales, les rats courent le long des murs. « Un ramassis de taudis, tout juste bon pour l’équarrisseur », selon l’ancien maire de Lyon Édouard Herriot.
Le quartier est composé pour l’essentiel d’appartements dits de loi 1948, c’est à dire des logements dont les loyers sont bloqués mais qui sont dénués de tout confort, sans salle de bain ni WC intérieur. « Le quartier est populaire mais l’ambiance est chaleureuse », précise la présidente de Renaissance du Vieux-Lyon. « Il y a un mode de vie collectif, on se rend service. »
A l’hôtel de ville, le nouveau maire Louis Pradel fait la chasse aux taudis à coups de bulldozer, ce qui lui vaut le surnom « zizi béton ». Il est soutenu par son architecte en chef André Donzet, « un hygiéniste », selon Véronique Nether, pour qui le Vieux-Lyon représente avant tout un problème d’insalubrité. Les deux hommes ne souhaitent garder du quartier que quelques monuments, comme la cathédrale Saint-Jean.
Mais les habitants et notamment l’association Renaissance du Vieux-Lyon ne l’entendent pas de cette oreille. Ils font feu de tout bois pour sauver leur quartier. « Il y a eu des batailles rangées et rudes », se souvient Véronique Nether. Mais pas que. L’association multiplie aussi les manifestations populaires - visites, carnavals, feux de la Saint-Jean, fêtes estivales, illuminations du 8 décembre - pour faire connaitre son quartier, car à l’époque « les lyonnais ne venaient pas dans le Vieux-Lyon ».
André Malraux, ministre de la culture du général de Gaulle, visite le quartier et décide de le protéger. « [Les nations] ont découvert que l’âme de [leur] passé n’est pas faite que de chefs d’œuvre, qu’en architecture un chef d’œuvre isolé risque d’être un chef d’œuvre mort », déclara-t-il le 23 juillet 1962 à l’assemblée nationale. C’est ainsi que le Vieux-Lyon devint le 12 mai 1964 le premier secteur sauvegardé de France (il y en a aujourd’hui une centaine).
Mais le quartier ne fut réellement sauvé qu’avec l’arrivée de Francisque Collomb à la mairie de Lyon en 1976. Le nouveau premier magistrat et son architecte en chef Jean-Gabriel Mortamet mobilisent les services de la ville et notamment les offices HLM pour rénover le quartier. Pas une mince affaire. « Il fallait tout refaire : tout à l’égout, électricité, plomberie... », note Véronique Nether.
Aujourd’hui, le quartier, classé au patrimoine historique de l’Unesco depuis le 2 décembre 1998 est l’un des plus visités de Lyon et accueille 1 million de touristes par an. Et fête à partir du 14 mai sa sauvegarde à coups d’exposition, livre photos, colloques... et une illumination spéciale le 8 décembre. Le programme complet est en ligne sur le site de l’association Renaissance du Vieux-Lyon.