« Sarko bouffon, on n’est pas des moutons », pouvait-on entendre dans le cortège. Celui-ci était parti à 10h de la caserne de pompiers de Gerland. Au pied du pont Pasteur, au lieu de remonter le Rhône sur sa rive gauche comme prévu, les pompiers ont brusquement traversé le pont, créant un petit mouvement de panique chez les policiers qui encadraient la manifestation. Arrivés sur l’autre rive, ils ont investis l’autoroute A7 qu’ils ont remonté jusqu’à Perrache.
Une fois rendus au pont ferroviaire qui relie Perrache à la Part-Dieu, une dizaine de pompiers ont escaladé l’ouvrage pour dérouler une banderole de 15 fois 7 mètres, affichant « Pompiers bradés, Sarko l’a fait ». Puis, les soldats du feu se sont assis sur les rails, bloquant les trains pendant 5 minutes.
« Ils ne veulent pas nous entendre, aujourd’hui ils vont nous entendre », ont scandé les pompiers en colère. L’objet de leur mécontentement : un protocole d’accord, signé par le gouvernement avec quelques syndicats minoritaires, qui modifie les conditions de recrutement et d’avancement de carrière.
Pour devenir pompier professionnel, il fallait jusqu’à présent passer un concours. Selon le termes de l’accord contesté, les candidats seront désormais sélectionnés sur dossier. La porte ouverte à tous les abus, selon Rémy Chabbouh. « Ça sera à celui qui connaît l’élu le mieux placé », s’insurge le syndicaliste Sud, qui rappelle que l’actuel concours comprend entre autres des épreuves sportives. « Il est important pour un pompier d’être en bonne santé et forme physique. »
Le salaire des nouvelles recrues va également baisser. Ils ne toucheront plus que 1180 euros nets, contre 1400 aujourd’hui. En parallèle, les syndicats craignent que la progression de carrière ne soit ralentie. « Jusqu’à présent, un pompier peut devenir sous-officier au bout de 8 ans de carrière », rappelle Rémy Chabbouh. « L’accord prévoit de porter ce délai à 17 ans. » Des mesures qui viseraient à « faire baisser le coût du secours en France. »
Pour les syndicats, la qualité du travail des pompiers est en jeu. Une qualité déjà malmenée par de précédentes réformes, qui ont notamment rallongé le délai d’intervention de 6 à 10 minutes. « Notre service juridique ne désemplit pas », affirme Rémy Chabbouh, croulant sous les plaintes de plus en plus nombreuses. « Le secours en France a un coût mais n’a pas de prix », plaide le syndicaliste.
Après un nouveau sit-in sur et sous la bretelle du pont de la Guillotière, côté Presqu’île, les pompiers se sont rendus devant le 117 cours Lafayette où l’un des leurs a perdu la vie dans l’explosion survenue le 28 février 2008. Une minute de silence a été observée en sa mémoire, rappelant aux passants que « notre métier n’est pas fait de rigolade ».
Au même moment, la préfecture était transformée en forteresse. Toutes les voies d’accès étaient barricadées et des centaines de policiers en tenue anti-émeute, armés de lances-grenades lacrymogènes, étaient déployés à l’intérieur du périmètre, épaulés par un camion lance-eau.
En attendant, la banderole des pompiers avait voyagé jusqu’à Fourvière où, accrochée sur la façade tournée vers la ville de la basilique, elle était visible de loin. Quant au protocole d’accord, il sera au menu en janvier d’un Conseil supérieur de la fonction publique territoriale. Une nouvelle manifestation est d’ores et déjà prévue pour le 21 janvier.
Toutes les photos de la manif sont sur : www.flickr.com/lyoninfo