Comment cette proposition de loi a émergé ?
En automne 2010, Danielle Bousquet et Guy Geoffroy ont dirigé une mission d’information parlementaire au Sénat sur la prostitution. Le rapport intitulé, Prostitution, l’exigence de responsabilité : en finir avec le mythe du plus vieux métier du monde a été remis le 13 avril 2011. Il préconise la pénalisation du client. Nous sommes déçues car toutes les associations qui luttent avec les prostituées sont d’accord sur un point : il faut abroger l’article sur le racolage passif. Mais la mission parlementaire n’en a ont même pas parlé.
Êtes-vous surprise de cette conclusion ?
Non, je m’en doutais, cela va faire 4 ans que je pense qu’un jour une telle loi va arriver. Mais à mon avis, c’est une tactique des politiciens en vue des présidentielles. C’est une manière de détourner l’attention des Français du chômage, de la crise…
C’est une loi dangereuse au niveau moral et éthique car elle entre dans la sphère privée. La prostitution est un contrat entre deux personnes adultes et consentantes. Le problème de cette loi est qu’elle va faire plus de mal aux travailleurs du sexe qu’aux clients. L’État veut lutter contre l’exploitation et la violence mais il ne s’y prend pas de la bonne manière. Ce n’est pas en forçant les filles à se cacher que la violence va baisser.
En réalité, c’est une attaque contre les prostituées précaires, immigrées et sans papiers. Derrière cette loi, il y a un lien avec l’immigration que le gouvernement veut surveiller. Le gouvernement pense qu’en pénalisant le client, il y aura moins de prostituées mais ce n’est pas pour autant que les gens ne viendront plus en France de manière clandestine et qu’ils ne travailleront plus au noir.
Quelles conséquences une telle loi peut-elle avoir sur leur travail ?
Elle va les marginaliser, leur faire prendre plus de risques pour continuer d’exercer et leur mettre une pression plus importante. Cette loi entraînera aussi un cercle vicieux pour les travailleuses précaires. Elles devront se cacher pour continuer à avoir des clients. Comme elles se cachent, elles seront moins visibles et auront donc moins de clients, même si certains resteront fidèles. Du coup, elles gagneront moins et auront plus de pression pour rembourser l’argent qu’elles doivent à leur passeur. Puis, les clients vont être plus stressés et du coup ils risquent d’être plus violents et de vouloir moins se protéger pour gagner du temps.
Comment se protègent les prostitués contre les maladies ?
Il y a un contrat de respect et de confiance entre le client et le ou la prostitué(e)s. Il comprend l’obligation du port du préservatif par exemple. Ce que certains clients refusent ou discutent. Les prostitués doivent donc faire un travail de prévention auprès des clients, afin de les protéger des maladies sexuellement transmissibles (MST) comme le SIDA. Le ministère de la santé ne fait rien pour sensibiliser les adultes à ces problèmes. Du coup, chez Cabiria, on a créé une brochure pour le client (http://www.cabiria.asso.fr/l-association/nos-publications/article/travail-du-sexe-de-rue-cher-client).