Justice

Où sont les 2,5 millions de Toni Musulin ?

On ne saura pas où Toni Musulin a planqué les 2,5 millions manquants de son butin. Jugé pour le vol d’un fourgon rempli de 11,6 millions d’euros et tentative d’escroquerie, il s’est bien gardé de répondre aux insistances du président de la cour d’appel de Lyon et de l’avocate générale, qui l’ont à plusieurs reprises pressé de saisir cette « dernière occasion » pour s’expliquer et faire acte de repentance. Ce procès aura néanmoins été le théâtre de deux entrées fracassantes.

Il est 8h30 quand le fourgon de la gendarmerie qui transporte Toni Musulin pénètre dans la cour du palais de justice aux 24 colonnes. L’accusé, qui dira plus tard qu’il en a « marre de la presse », attend que le lourd portail soit complètement refermé, avant de sortir du véhicule. Peu après, ce raz-le-bol des journalistes allait s’exprimer bruyamment. Alors qu’il franchit la porte de la salle d’audience, il se retrouve face à une nuée de cameramen et photographes qui attendent l’arrivée des juges. Musulin qui refuse depuis le début de la procédure d’être photographié ou filmé, donne alors un violent coup de pied dans la porte, au point d’en décrocher un panneau, maugréant : « C’est quoi ce bordel ? ». Il ne s’en excusera qu’en toute fin de séance, promettant de réparer les dégâts causés.

Une fois les photographes sortis, Musulin s’est installé dans le box, arborant toujours une barbe poivre et sel, et des cheveux ramenés en arrière lui tombant dans la nuque. Il est habillé d’un jean noir, d’un pull bleu marine et d’un blouson gris dont il ne s’est pas départi de la journée. Au cours du rappel des faits, le président de la cour d’appel, Jean-Paul Taillebot décrit le convoyeur comme quelqu’un de renfermé, solitaire, isolé, qui, en quête de reconnaissance, a besoin de commettre des actions spectaculaires.

Où est le butin ?

« L’argent qui manque, c’est tout le problème de ce procès », a clamé le président. Si 9,1 millions d’euros du butin avaient rapidement été retrouvés dans un box dans le 8ème arrondissement, la police est toujours sans nouvelles du solde de 2,5 millions. Les explications de Toni Musulin n’auront pas permis de percer ce mystère. Ne variant pas d’un iota de sa stratégie adoptée en première instance, il a tour à tour déclaré avoir laissé une partie du magot dans le fourgon, faute de place et de temps, et soupçonné le propriétaire du box de s’être servi grâce à un double des clés.

Toni Musulin n’a pas davantage cherché à expliquer pourquoi sa moto affichait 1254 km au compteur pour un périple de 570 km entre la France et l’Italie. L’accusation soupçonne le convoyeur de s’être rendu en Serbie où il a de la famille. Et il est resté tout aussi muet sur ses multiples comptes en banque qui culminaient à 250 000 euros. Beaucoup d’argent pour quelqu’un qui déclarait moins de 1800 euros de revenus mensuels. Puis, ses réponses n’ont pas non plus permis d’en savoir plus sur les circonstances de la disparition de sa Ferrari, qui lui a valu une condamnation pour tentative d’escroquerie à l’assurance.

Une attitude qui a conduit l’avocate générale à demander la peine maximale de 5 ans d’emprisonnement, soit 2 de plus qu’en première instance, 45 000 euros d’amende et une interdiction définitive d’exercer le métier de convoyeur de fonds. "Il est dans l’orgueil d’une toute puissance créative", a-t-elle clamé, affirmant prendre en compte "toute une démarche délinquante", et s’interrogeant sur le montant des comptes en banque, bien que ce fait troublant ne soit pas formellement reproché à Musulin. Du côté de la défense, on est prudemment optimiste. « Je pense qu’on a réussi à toucher la cour », affirme Hervé Banbanaste. Pour lui, un jugement à l’identique du premier serait « merveilleux ». Mise en délibéré le 2 novembre.

Le coup du TGV

Alors que le président s’apprêtait à lever la séance, un avocat se lève et l’interpelle sur les propos tenus par Toni Musulin à l’égard du propriétaire du box dans le 8ème, où la plus grosse partie du butin a été retrouvée. Affirmant en avoir pris connaissance dans le presse et d’être sauté aussitôt dans le premier TGV, cet avocat parisien, Me Olivier Baratelli, dit alors craindre pour la sécurité de son client si jamais les gens pensent que c’est lui qui détient les 2,5 millions d’euros. Grandiloquent, il s’écrie : « c’est un homme d’affaires honorable qui a 9 enfants tous scolarisés en région lyonnaise ». Et de réclamer 1 euro pour diffamation. Ce coup de théâtre avait le don d’exaspérer Me Banbanaste qui dénonçait alors une « tentative d’intimidation » à l’égard des avocats de la défense et du « terrorisme judiciaire ». Mise en délibéré le 26 octobre.

Le mot de la fin revient aux deux ex-collègues de Musulin, qui ont assisté à l’audience, accompagnés de leur avocat. Pour eux, rien n’a changé chez Loomis, la société de transport de fonds qui employait Musulin. « On a coupé des branches, mais pas celles qui étaient pourries », déclarait Philippe Ferrero, commentant le licenciement du responsable d’agence. Et de prévenir : « Toni Musulin, ça peut se reproduire demain ».

Publié le : mardi 14 septembre 2010, par Michael Augustin