« Je ne comprends pas. Je fais attention à ce que je mange. J’achète beaucoup de bio », se désole Jean-Pierre, apiculteur dans les Coteaux du Lyonnais. Pourtant, le test, réalisé sous le contrôle d’un huissier, à révélé que ses urines contiennent 0,936 microgrammes par litre. Une concentration neuf fois supérieure à celle autorisée pour l’eau potable.
Comme lui, une petite centaine de « pisseurs volontaires » se sont rendus le 13 mars à Lyon et le 2 avril à Sainte-Catherine (69) pour faire analyser leurs urines. Tous, sans exception, ont du glyphosate dans leur corps. Les taux mesurés varient entre 0,23 et 2,57 microgrammes par litre. Presque tous ont porté plainte. « Nous avons mis ce problème sur la table pour que les politiques agissent », explique Jean-Pierre.
Une molécule cancérigène probable
L’autorisation du glyphosate, un puissant herbicide du géant de l’agrochimie Bayer-Monsanto, a été prolongée pour cinq an par l’Union européenne, et le gouvernement français a renoncé à son projet de l’interdire sur son sol d’ici 2021. Largement utilisée dans l’agriculture conventionnelle, la molécule a été déclarée cancérigène probable par le CIRC, un organisme de l’Onu. On estime que seule une petite partie de la substance pulvérisée par les agriculteurs sur leurs champs, atteint réellement sa cible. Le reste se retrouve dans le sol, dans l’air et dans l’eau des fleuves. Avant d’atterrir dans le corps de tout un chacun.
A ce jour quelque 4000 personnes ont fait analyser leurs urines en France. « Tous les prélèvements ont révélé que nous avons du glyphosate dans nos corps », s’alarme Sylvain, l’un des coordinateurs de l’opération. Depuis l’année dernière, 2000 plaintes ont été déposées, 1800 autres sont en préparation. Dans le viseur des plaignants : les fabricants de l’herbicide bien évidemment, mais également les agences sanitaires française et européenne et la commission européenne qui ont autorisé la mise sur le marché de ces produits. Les plaignants les accusent notamment de s’être basés sur des études tronquées fournies par les fabricants eux-mêmes qu’ils auraient reprises telles quelles pour motiver leurs décisions.
« Les politiques ne font que reculer », se désole Philippe, un autre pisseur volontaire, de Saint-Genis-Laval. Il place beaucoup d’espoir dans la procédure judiciaire à laquelle il participe. « S’il y a des jugements qui font jurisprudence, les entreprises seront obligées de changer », espère-t-il. Aux Etats-Unis, plus de 13 400 procédures judiciaires ont déjà été engagées contre la Bayer-Monsanto. Dans les premiers jugements, la multinationale a été condamnée à chaque fois à verser plusieurs dizaines de millions de dollars à des plaignants atteints de cancer.