Les années se suivent et se ressemblent dans le domaine de la sécurité nucléaire. De « plutôt satisfaisant » en 2008, le bilan dressé par l’ASN est passé à « assez satisfaisant » pour l’année passée. Et ceci malgré un incident de niveau 2 enregistré la nuit du 1er au 2 décembre 2009 dans la centrale de Cruas-Meysse (Ardèche). Le réacteur n° 4 avait perdu une partie de son système de refroidissement. Les incidents de cette gravité sont rarissimes en Rhône-Alpes, le dernier datait de l’an 2000.
L’incident n’a pourtant pas empêché la centrale de Cruas-Meysse de remonter dans l’estime des inspecteurs de l’atome. Canard boiteux en 2008, destinataire d’une mise en demeure de la part de l’ASN, la centrale est rentrée dans le rang en 2009 et affiche désormais des performances dans la moyenne des 4 installations rhônalpines. C’est Saint-Alban (Isère) qui joue maintenant le rôle de brebis galeuse. « Écarts constatés pas corrigés de manière convaincante », « faiblesses récurrentes concernant le contrôle des activités de conduite de réacteur », « résultats dégradés dans le domaine de la radioprotection », « performances médiocres », l’ASN n’avait pas de termes assez durs pour finalement dresser un procès-verbal... au sujet des temps de repos du personnel. En attendant les conclusions de l’Agence internationale de l’énergie nucléaire (AIEA) qui a diligentera un audit sur Saint-Alban à la fin de cette année pour « l’aider à progresser dans les domaines où il est jugé en difficultés », écrit l’ASN dans son rapport.
Le Tricastin bientôt prolongé
Plus vieux générateur encore en activité en Rhône-Alpes, mis en service en 1980, le réacteur n° 1 de la centrale du Tricastin (Drôme, photo) était le premier à passer son troisième contrôle décennal. Initialement prévu pour durer 30 ans, la poursuite de son exploitation dépend du feu vert de l’ASN, qui doit se prononcer avant la fin de l’année. Il ne fait pourtant guère de doute que l’autorisation sera accordée.
Le Tricastin n’est pourtant pas un exemple en matière de sécurité. Dans la nuit du 7 au 8 juillet 2008, lors du nettoyage d’une cuve, de l’uranium a été déversé dans les rivières avoisinantes. Des mesures effectuées dans les jours qui suivaient, dans la nappe phréatique au Tricastin ont révélé des « valeurs [de radioactivité qui] ne peuvent être expliquées par le rejet accidentel », affirmait alors l’Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire (IRSN). Didier Champion, directeur de l’environnement de l’IRSN, estimait alors qu’« on ne peut exclure qu’il y ait eu des rejets antérieurs, à l’origine d’une pollution à l’uranium. ». En clair, la centrale fuite depuis longtemps.
Depuis, le site fait l’objet d’une surveillance rapprochée. En 2009, l’ASN a cofinancé une étude sur les cancers constatés dans 37 communes entourant la centrale. L’autorité dit également suivre avec intérêt l’étude de l’IRSN, dont les conclusions définitives devront être présentées le 11 juin prochain. Elles « pourront amener l’ASN à adapter les exigences de surveillance réglementaire de la nappe phréatique et des cours d’eau situés autour du site nucléaire du Tricastin », écrivent les surveillants du nucléaire.
Repères
Rhône-Alpes est la région qui compte la plus forte concentration de centrales nucléaires. 4 des 19 installations françaises se trouvent ici. Elles comprennent 14 réacteurs sur un total de 58 en France, soit presque un quart. Leur capacité totale est de 13 400 MW, soit 21% de la production française.