« Je trouve ça beau, tu vois, mais je ne serais pas venue de loin pour le voir », expliquait jeudi soir une adolescente à son copain, arpentant la rue de la Ré. Un bon résumé de cette 13ème édition de la Fête des lumières. S’il est effectivement toujours aussi plaisant de se promener entre les 70 installations (en comptant les guirlandes de Noël), peu de projets parviendront à marquer les esprits.
Certaines œuvres sortent toutefois du lot. Il y a tout d’abord la place Bellecour qui a retrouvé son éclat. Qui se souvient encore de l’Envolée chromatique ou de La nuit au musée ? Plus grand monde. Depuis l’éblouissante boule à neige I love Lyon des années 2007 et 2008, qui orne toujours les couvertures des calendriers et beaux livres consacrés à la fête, la place centrale lyonnaise avait du mal à trouver chaussure à son pied.
Pour qu’elle reprenne des couleurs, la Ville a rappelé Jacques Rival, créateur de... la boule à neige. Jouant à nouveau avec la statue équestre du roi soleil, l’artiste la fait cette fois-ci emporter par un bouquet de ballons géants et atterrir sur un nuage blanc. C’est beau, c’est coloré, un projet phare dans tous les sens du terme.
Autre lieu, autre style : le passage Ménestrier ne désemplissait pas jeudi soir et les iPhone et autres appareils photo ne cessèrent de crépiter pour l’immortaliser. Lui, c’est un éléphant d’Afrique, qui flotte en apesanteur, se dandinant au-dessus de la tête des visiteurs. Entièrement réalisé en images de synthèse, il est bluffant de réalisme. Il aurait juste fallu le poser à terre, pour que l’illusion soit parfaite.
Non loin de là, les Japonais de Fukuno défilent tous les soirs avec leurs chars en papier et bambou entre le quartier Grolée et Bellecour. 5 chars d’une procession qui en compte habituellement 23, pour un spectacle qui finalement ne reflète qu’insuffisamment la splendeur de ce genre de déambulation au pays du soleil levant.
Monplaisir : une valeur sure
Pour retrouver un peu la magie de la Fête des lumières, il faut cette année sortir des chemins battus de la Presqu’île.
Envoutant année après année ce quartier du 8ème grâce à des spectacles rivalisant de poésie, le comité des Fêtes de Monplaisir a encore frappé un grand coup. Déambulle, l’histoire d’un enfant entraîné par Morphée dans le merveilleux monde des songes, a ravi une place Ambroise Courtois pleine comme un œuf.
Interprété par la compagnie Stulugatnuch sur une musique originale de la Québécoise Doba, le spectacle a débuté par une déambulation onirique dans les rues du quartier, avant de trouver son apothéose dans un ballet aérien avec 3 danseuses suspendues à des ballons transparents de 7 m de diamètre, gonflés à l’hélium. Un pure délice, malheureusement programmé le seul soir du 8 décembre.
Au parc de la Tête d’or, l’agence Blueland propose une déambulation lumineuse, faite avec des bouts de ficelle (ou plutôt avec du grillage et quelques réglettes). Le résultat est une promenade onirique narrant l’histoire d’un humain à la recherche de l’anneau de feu pour ramener la lumière sur terre, qui doit affronter géant et dragon pour y parvenir.
Plus intimistes, mais aussi intéressantes, deux installations croix-roussiennes : d’abord une Fiat 500, transformée en aquarium pour poissons rouges mutants, garée sur le boulevard, et Le songe d’une flamme, un ballet enflammé orchestré par le Luna Collectif.
Un autre ballet, celui des tubes de néon de la place de la République, original voire drolatique, vaut aussi le détour.
Puis, un bon point également pour les TCL, généralement débordés par les évènements, qui jeudi soir ont mis les moyens nécessaires pour fluidifier les déplacements.
Les flops
Après avoir glacé, puis brulé la place des Terreaux en 2009, dans un spectacle plus énervant qu’onirique, Marie-Jeanne Gauthé récidive cette année avec une chevauchée carnavalesque, lâchant les chevaux de la fontaine Bartholdi sur les façades de la place (photo). Techniquement léché mais sans âme. Même constat pour la cathédrale Saint-Jean, théâtre d’une succession de tableaux colorés sur fond de chant d’opéra.
Difficile de succéder aux grandioses Perspectives lyriques, qui avaient déconstruit la façade du théâtre des Célestins l’année dernière. Le Flipper urbain projeté cette année ne fait décidément pas le poids. Tout comme le Palais de la bourse censé servir de gigantesque lanterne.
Sans grand intérêt également les feuilles qui s’envolent dans la cour de l’Hôtel de ville ou les yeux qui scrutent les visiteurs de la place Pradel.
Espérons que 2012 permettra à la fête de renouer avec ce qui fit son succès : la magie de la lumière.