Nés au XIXème siècle aux États-Unis et installés en France depuis 1906, les témoins de Jéhovah (Jéhovah étant le nom qu’ils donnent à Dieu) comptent environ 150 000 fidèles en France, dont 4500 revendiqués en région lyonnaise. Ils sont répartis en un grand nombre de congrégations de petite taille (70 à 80 membres environ) où tout le monde connaît tout le monde. Ils se réunissent dans environ 1900 lieux de culte, appelés Salles du royaume, en France dont 9 se trouvent en région lyonnaise. A Lyon intra-muros elles se situent dans le 1er, le 5ème et le 6ème arrondissement.
Davy, qui fait partie de la congrégation de Caluire, fréquente celle de la Croix-Rousse, située à deux pas du Gros caillou. Un local sans fioritures, aux murs peints en vert. Une centaine de chaises, sont disposées devant une petite estrade. Entre deux troncs de bambous, un écriteau affiche la devise des témoins : « Réfugiez-vous dans le nom de Jéhovah », écrite en français, espagnol et chinois. A gauche de la salle, un comptoir avec diverses publications comme les inévitables Tour de garde et Réveillez-vous. En revanche, les urnes de collecte sont discrètes et aucun appel n’incite les fidèles à donner. « Il n’y a pas de dime (le dixième du salaire à payer à l’église, ndlr) chez les témoins de Jéhovah », explique Davy, « les gens donnent ce qu’ils veulent ».
Le prosélytisme comme raison d’être
Les témoins de Jéhovah se considèrent comme les héritiers du christianisme primitif et font constamment et uniquement référence à la Bible. Contrairement aux catholiques, ils ne reconnaissent ni le pape ni le dogme de l’immaculée conception.
Point de messes non plus dans les congrégations, mais des réunions, qui ont lieu deux fois par semaine. Chaque réunion commence et se termine par un cantique et une prière. Chacun vient muni de sa bible, d’un recueil de chants et d’un ouvrage intitulé Rends pleinement témoignage au sujet du royaume de Dieu. Un bouquin qui alterne extraits bibliques et explications de texte, tout en insistant sur la nécessité de prêcher. Pour cela, il fournit nombre d’exemples sur les premiers chrétiens, qui répandait la parole du Christ malgré les persécutions.
Comme il n’y a pas de clergé chez les témoins de Jéhovah, les réunions sont animées à tour de rôle par les fidèles eux-mêmes. Les lectures sont suivies d’une session de questions-réponses, pour s’assurer que tout le monde a bien compris le texte. Comme à l’école, les membres lèvent la main, et se font appeler par leur nom et prénom, précédés du qualificatif de « frère » ou « sœur ».
La congrégation caluirarde se retrouve le jeudi soir et le dimanche matin. Les réunions du jeudi sont quasi exclusivement consacrées à la prédication. « Il s’agit de nous donner les outils pour aller prêcher », explique Davy, qui a été baptisé à l’âge de 18 ans. La présentation en public est travaillé et commenté par un Ancien qui félicite les adeptes en fonction des progrès accomplis. Des jeux de rôles doivent aider à se mettre en situation. « Il faut s’adapter à nos interlocuteurs », explique Davy. Il va ainsi tenir un discours scientifique à un athée et plutôt spirituel à une croyante inquiète de l’état de la terre.
La réunion du dimanche, elle, est consacrée, entre autres, à la lecture de Tour de garde, un mensuel imprimé à 42 millions d’exemplaires en 188 langues et qui sert de manuel aux fidèles lors de leur prédication. Le périodique s’adresse aux personnes « qui ont du respect pour Dieu ainsi que pour la Bible, qu’ils connaissent sans toutefois comprendre exactement ce qu’elle enseigne », explique un document interne. Pour les autres, il y a Réveillez-vous, tiré tout de même à 39 millions exemplaires en 83 langues. Une publication qui cible ceux qui « ne savent rien ou que très peu sur la Bible [ou qui] se méfient de la religion ».
Le dilemme des transfusions sanguines
Mauvaise interprétation biblique ou caractère sacré du sang, les témoins de Jéhovah refusent toujours de recevoir des transfusions sanguines. Ils se basent pour cela sur les prescription des Actes des Apôtres 15:28, 29 qui commandent « de vous abstenir des viandes sacrifiées aux idoles, du sang, des animaux étouffés, et de l’impudicité, choses contre lesquelles vous vous trouverez bien de vous tenir en garde. » Et peu importe si ces versets ont été écrits bien avant l’invention des transfusions et traitent manifestement d’interdits alimentaires et non de techniques de soin.
Selon les médecins américains David Reed Dr Jerry Bergman, entre 450 et 1150 Témoins de Jéhovah meurent par an du fait de leur refus de se faire transfuser. D’une autre étude clinique réalisée aux États-Unis en 1988 et 1999 ressort que le risque de décès au cours de l’accouchement des femmes témoins de Jéhovah était presque 44 fois supérieur à celui de la population américaine en général. Curieux constat pour un mouvement qui dit s’appuyer sur des raisonnements scientifiques.
Des victoires juridiques
Classés comme secte par un rapport parlementaire de 1995, les témoins de Jéhovah ont depuis remporté quelques combats judiciaires. En mai dernier, la Cour administrative d’appel de Paris a ainsi autorisé la présence d’aumôniers du mouvement en prison. Puis, en juin, la Cour européenne des droits de l’homme a désavoué à l’unanimité le fisc français qui avait demandé aux témoins de Jéhovah des arriérés de 57,5 millions d’euros. « L’État a voulu entraver l’action des témoins de Jéhovah », s’étrangle Davy, avant de conclure : « Nous sommes les promoteurs de la bonne parole. »
Lire aussi :
– Végétaliens : « On n’est pas des bouffeurs de carottes »
– La Scientologie, une entreprise ultra profitable
– Mormons : prosélytes et bons samaritains
– Jeux de rôle : l’imaginaire à portée de tous
– Osez Le Féminisme, génération 2011
– La naturopathie, une médecine douce en vogue
– Médiévistes : mi-historiens, mi-combattants
– Lyon, paradis des libertins
– Lyon, terre d’occulte
– Vive Le Roy !